Vous n’avez pas pu passer à côté du phénomène des Massive Online Open Classrooms ou MOOC, prononcer moooooouk parce que c’est plus drôle. J’ai testé pour vous à 6 mois d’intervalle pour voir si ça évoluait ou si c’était toujours aussi chiant les mooc 🙂
Les MOOC une idée géniale à la base
L’idée d’origine de créer des cours en ligne dans toutes les matières possibles et imaginables pour que les gens continuent à s’instruire quand ils veulent/peuvent tout au long de leur vie, c’est juste génial. MAIS le problème reste le même que dans l’enseignement traditionnel : les enseignants.
Qu’on ne me targue pas d’anti-professorisme basique ! Il y a d’excellents profs mais très rares sont ceux qui peuvent rendre un cours (qu’ils enseignent depuis des années même si y a des trucs qui changent un peu) passionnant. Et c’est exactement le problème qui a été reporté et amplifié sur les MOOCs.
Lorsqu’on s’assoit dans un amphi (et je sais de quoi je parle après 9 ans de fac !), on ne s’attend pas à ce que le prof soit passionnant de toute façon et on essaie juste de ne pas s’endormir pendant qu’on vous parle de droit fiscal ou de linguistique pendant des heures. Mais lorsqu’on arrive à trouver 3 à 4 heures par semaine pour suivre son MOOC en vidéo, il faut beaucoup plus d’effort pour s’intéresser et les profs, non habitués à la caméra, ne nous facilitent pas la tâche.
Le MOOC est aussi une solution à ce problème de rendre un cours intéressant car dans l’absolu, on peut refaire une prise 10 fois, 20 fois et garder la meilleure ! Peut-être que des cinéastes devraient s’intéresser à ça non ?
Le test des MOOCs à 6 mois d’intervalle
Pour le premier, j’avais peut-être visé un peu haut, je voulais suivre « Scientific Humanities » de Sciences Po et en anglais en plus. Le sujet semblait exaltant : comprendre comment les découvertes scientifiques et l’innovation doivent être appréhendées/critiquées selon le contexte scientifique, moral, politique et social. 8 séances, 3H par semaine, ça semblait abordable. J’ai beaucoup de respect pour le Pr. Latour dont l’anglais est un vrai délice à entendre et je suis sûre que ça a dû passionner plein de monde. C’est juste que moi, un cours où on me demande dès le 1er jour de créer un blog, d’écouter un homme sur un fond digne de France 3, bref… j’ai roupillé au bout de 10 minutes.
Le second, je suis en train de le tester à vrai dire, il s’agit de « Innovation et Société » de l’Université Pierre-Mendès France à Grenoble qui commence cette semaine et je viens de regarder l’intro… et déjà je vais chouiner : 2 profs plutôt jeunes sur un fond ignoble, ratatinés dans un espace de 1 m² en train de lire sur un prompteur, c’est dur ! Après ce sera peut-être passionnant donc je vais m’accrocher mais je pars pas avec une bonne impression.
Mais c’est quoi le MOOC efficace alors ?
Pour moi qui suis expérimentée en cours de fac et qui adore le cinéma, voici mes recommandations pour créer un MOOC passionnant :
- Prenez des acteurs, ce n’est pas comme s’il fallait qu’ils répondent aux questions des étudiants en direct donc un acteur à l’aise devant la caméra fera 100 fois mieux !
- Soignez le décor, je rêve de profs donnant cours sous de grands chênes centenaires, au milieu d’un labo, dans un observatoire, bref faites-nous rêver !
- Utilisez des accessoires cool, des cartes augmentées, des simulations 3D, le buste de machin chose qui apparaît à droite du prof
- Faites intervenir les gens qu’on connaît dans le domaine abordé, genre Hubert Reeves pour l’astronomie, etc.
- Divisez les cours en sessions courtes en mode reportage genre plutôt qu’un cours d’histoire contemporaine avec de grandes parties comme La laïcité en Europe, partez des vraies problématiques « Pourquoi les Français se détournent de Dieu à la Révolution ? », « Qu’est-ce qui est reproché à l’Eglise à l’époque » et pourquoi pas se costumer ? J’suis désolée mais si Cléopâtre me racontait elle-même son histoire, je serais pendue à ses lèvres 🙂
- Piquez la curiosité, toujours, faites des jeux, gamifiez, ex : sur un cours de criminologie je veux que Sherlock me demande ce que je vois sur une scène de crime, sur un cours de droit qu’on me demande de préparer une plaidoirie dans les règles (et j’dis ça après un master de droit où pas une seule fois on nous a demandé ça…).
- Inspirez-vous des conférences TED, apprendre mais aussi inspirer, des jeux de rôles, des jeux de plateau !
Y a quand même des trucs qu’ils font bien
- Les plateformes web sont en général performantes, la présentation est bonne
- Quand on s’inscrit à un cours, on peut accéder à toutes les vidéos après la fin du cours donc au pire si on a renoncé ou loupé de cours, on peut y revenir, ça c’est top
- C’est quand même gratuit dans 99% des cas, c’est aussi révolutionnaire que Wikipedia dans un sens
- L’offre est très diversifiée et de qualité (finalement y a que la réalisation qui pêche)
- Il risque pas de manquer de places !
L’avis d’un prof sur les MOOC, d’un vrai !
Merci à Guybrush d’avoir commenté cet article sur Facebook de façon hyper intéressante, du coup j’étais obligée de mettre son point de vue :
Il faudrait rappeler aussi les limites des MOOC. Dans le cadre d’un système éducatif « massif et ouvert », on se rend compte :
- que les étudiants s’y perdent,
- qu’il n’y a pas de suivi (Le CM est toujours accompagné d’un ou plusieurs TD dans le système universitaire)
- que les étudiants qui commencent un cycle sont très peu nombreux à le terminer (sondage réalisé aux US),
- que l’intention de ceux qui suivent un cycle via les MOOC est d’abord de se cultiver, mais que ceux-ci font déjà partie d’une partie de la population qui a les moyens de se cultiver et qu’ils utilisent les MOOC juste par curiosité sur tel ou tel sujet.
Ceux qui réussissent leurs cursus via les MOOC sont principalement ceux qui réussissent déjà à la fac. Le principe « d’éducation pour tous » des MOOC, et son influence sur la culture de masse, qui a été prônée au départ, est donc toute relative.
Après un succès qui commence franchement à s’étioler aux Etats-Unis, les MOOC débarquent dans le système universitaire français…. Sauf qu’on fait exactement les mêmes erreurs, on ne prend pas (une fois de plus) le temps de réfléchir à la façon dont les cours doivent être donnés ou filmés. On se rue vers la « nouvelle technologie » sans la problématiser en amont, en mesurer l’impact, l’intention, le public visé, le fond et la forme.
Quant à penser que des agences de com/acteurs vont supplanter les enseignants pour rendre ça « plus efficace, plus bankable », il n’y a qu’un pas que certaines universités américaines ont déjà franchi et que nous pourrions tout à fait franchir. Tu parles de rajouter de la 3D, des cartes augmentées, des manipulations/expérimentations en labo. Mais concrètement, qui fait ça et paye ça à long terme ?
Je ne t’apprends pas que l’Université et la recherche en France n’ont plus de moyens. On est en train de recruter des ingénieurs spécialisés MOOC dans les facs françaises et dans le même temps, on supprime ou on stoppe les postes d’ingénieurs spécialisés en 3D et en infographie ! Et on se rendra compte dans 5 ans qu’en fait, on aura besoin d’un ingénieur en 3D !!!? Ca n’a pas de sens !
Même si je ne suis pas d’accord avec toi sur tes propositions et sur la forme, je suis effectivement ok sur le fond, il y a moyen de rendre les MOOC plus pertinents et plus efficaces. Reste toujours le problème du coût, du temps imparti à rendre cela plus efficace et du retour sur investissement.
Par ailleurs, et pour finir, je ne crois pas qu’il faut prendre le parcours en droit pour une généralité (même si techniquement, oui certains cours de droit peuvent être vraiment abrupts). J’ai eu tout comme toi, des profs chiants en amphi, mais j’ai aussi eu régulièrement des profs si passionnants et si motivants qu’on les applaudissait en fin de cours magistral. Et ça, concrètement, je ne pense pas que les MOOC puissent y changer grand chose ou apporter plus.
Quelques plateformes de MOOC
Si vous aussi vous voulez tester, voici quelques plateformes et cours que j’ai repérés :
Introduction to Computer Science – Harvard (en anglais bien sûr)
Aléatoire : une introduction aux probabilités – Ecole Polytechnique (français)
Décodez l’ADN de l’innovateur – Polytechnique Paris Saclay (français)
Introduction à l’économie de l’innovation – Université de Bordeaux (français)
Introduction au Game Design – Ionis Education Group (français)
Et pour vos enfants qui n’aiment pas les maths, il y a la Khan Academy 🙂
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