Le Monster Manual (Manuel des Monstres) est un pilier de Donjons & Dragons, fournissant aux MJ une galerie d’ennemis indispensable pour donner du relief à leurs aventures. Aux côtés du Player’s Handbook et du Dungeon Master’s Guide, il forme le trio essentiel de livres de base.
Après la sortie des nouvelles versions 2024 du Player’s Handbook et du Dungeon Master’s Guide, cette révision du Monster Manual était très attendue par la communauté rôliste. Pourquoi une nouvelle version ? Principalement pour actualiser le bestiaire à l’aune de dix années de retours sur la 5e édition et accompagner l’optimisation des règles de One D&D (surnom donné à la mise à jour 2024 de D&D).Coté Matos : Analyse visuelle et matérielle

Premier coup d’œil : la forme. Sur le plan esthétique, Wizards of the Coast frappe fort avec des illustrations spectaculaires pour presque chaque créature. Le rendu visuel est l’un des gros points forts de cette édition : les illustrations sont encore plus riches et vibrantes que dans le livre de 2014. Chaque page ou presque offre son lot d’images inspirantes, de quoi nourrir l’imagination d’un MJ et faire frissonner d’impatience (ou d’horreur) les joueurs qui oseraient feuilleter l’ouvrage en quête de spoilers.

Deux versions de couverture sont disponibles, comme le veut désormais la tradition. La couverture standard, illustrée par Tyler Jacobson, met en scène un tyrannœil (Beholder) accompagné d’autres monstres classiques en train de menacer deux aventuriers intrépides (dont Minsc, le célèbre rôdeur de Baldur’s Gate, reconnaissable pour les vétérans). La couverture alternative (exclusive aux boutiques spécialisées) mérite une mention spéciale : on y découvre une superbe peinture monochrome signée Olena Richards représentant un flagelleur mental (Mind Flayer) tenant un de ses infâmes têtards dans la paume de sa main. Les deux couvertures sont exécutées de main de maître et reflètent bien le contenu : entre classique indémodable et horreur lovecraftienne, votre cœur de MJ balance !

Hélas, tout n’est pas parfait côté fabrication. De nombreux fans ont déploré la faible épaisseur du papier utilisé, jugé trop fin pour un livre de cette taille et densité. On constate en effet une légère transparence des pages, qui peut gêner la lecture (apercevoir en filigrane les illustrations du verso alors qu’on lit le recto n’est jamais agréable). Ce choix de papier rend l’ouvrage un peu moins premium qu’espéré et soulève des inquiétudes sur la durabilité à long terme, surtout pour un manuel appelé à être manipulé fréquemment autour de la table de jeu. Sur le plan de la mise en page également, le Monster Manual 2024 fait quelques progrès par rapport à son aîné, sans toutefois égaler son concurrent direct Pathfinder 2e en termes d’ergonomie. Par exemple, le bestiaire Pathfinder s’efforce de présenter chaque monstre sur une page (ou double-page) dédiée, ce qui facilite énormément la consultation pendant une partie. Dans le Monster Manual, malgré la refonte, on trouve encore des entrées de monstres s’étalant sur plusieurs pages et des familles de créatures morcelées à différents endroits du livre, ce qui oblige à de fréquents aller-retours. Certes, l’édition 2024 introduit une table des groupes de monstres en annexe (pour lister par exemple tous les démons, tous les dragons, etc.), mais on perd les descriptions générales de ces groupes qui existaient en 2014. En somme, côté présentation matérielle et organisation, cette nouvelle édition propose un produit de bonne facture, mais qui reste en deçà de la qualité premium et de la clarté exemplaire auxquelles Paizo a habitué les MJ avec Pathfinder 2e. Dommage pour un livre qui sera sans doute autant feuilleté que malmené lors de vos préparations de scénarios !
Découvrons le contenu DnD 2024 avec plus de monstres et moins de lore...
Plongeons maintenant dans le contenu et la substance de ce grimoire. Premier constat : la place accordée au lore (le background narratif et culturel des monstres) a été réduite, au profit d’un bestiaire beaucoup plus fourni en créatures et en variantes. Ce choix éditorial se remarque dès qu’on compare les entrées de 2014 et de 2024. Par exemple, l’article consacré aux centaures est passé de cinq longs paragraphes de description dans l’édition 2014 à seulement un paragraphe dans la version 2024, mais propose en contrepartie deux statblocks différents (Centaur Warden et Centaur Trooper) au lieu d’un seul. Ce schéma se répète pour bon nombre de créatures : là où l’ancien Monster Manual s’étendait en fluff, la nouvelle édition va droit à l’essentiel en multipliant les profils de jeu. Les adeptes du lore riche et détaillé pourront le regretter, mais beaucoup de MJ apprécieront d’avoir plus d’adversaires concrets sous la main et préfèreront de toute façon inventer ou adapter le background à leur propre monde de campagne.

Le pari de Wizards of the Coast était clairement d’enrichir le bestiaire quantitativement. Et de ce côté-là, c’est réussi : le Monster Manual 2024 aligne plus de 500 monstres, là où le livre de 2014 en comptait environ 300. On y trouve 85 créatures inédites n’ayant jamais figuré dans un manuel officiel jusqu’à présent. Cette augmentation s’est faite notamment en introduisant des variantes de monstres pour couvrir tous les niveaux de puissance et de nombreuses situations de jeu. Par exemple, le chapitre sur les gobelins ne se limite plus au simple Gobelin de base : on y trouve désormais le Gobelin Minion (une version très faible, parfaite pour faire du nombre), le Gobelin Warrior, le Gobelin Boss et même un Gobelin Hexer versé dans la magie. De même, la « famille » des vampires s’est agrandie avec des options de faible niveau (le Vampire Familiar, CR 3), intermédiaire (un stade entre le rejeton et le vampire standard) et supérieur (le Vampire Umbral Lord, CR 5, baptisé Nightbringer en VO). Cet effort de diversification rappelle ce que proposaient déjà certains suppléments tiers, mais l’avoir intégré d’emblée au livre de base est un vrai plus. Désormais, le MJ peut piocher le monstre au bon format de puissance sans avoir à bricoler lui-même chaque variante.

Au-delà du nombre, la qualité des profils de monstres a elle aussi été retravaillée à la lumière des dix ans d’expérience accumulée sur la 5e édition. Wizards s’est appuyé sur les innombrables retours de la communauté pour ajuster statistiques et capacités. « Basé sur une décennie de feedback », ce nouveau manuel tient la promesse d’offrir des monstres aux mécaniques améliorées et au gameplay affiné. Concrètement, presque toutes les créatures classiques ont reçu des tweaks bienvenus : certaines capacités jugées trop faibles ou trop contraignantes ont été supprimées ou simplifiées, et beaucoup de statblocks ont été repensés pour être plus faciles à utiliser en jeu. Un exemple marquant : les actions de repaire (Lair Actions) des monstres légendaires sont maintenant directement intégrées à leur statblock, plus besoin d’aller les chercher dans un encadré séparé. De plus, les dragons anciens (sauf les blancs, notoirement moins futés) sont explicitement dotés de capacités de lanceurs de sorts dans cette édition – de quoi donner du fil à retordre aux groupes de niveau 15+ qui croyaient qu’un grand dragon se résumait à mordre et à cracher du feu. Autre amélioration issue de l’expérience : toutes les créatures légendaires ont été retravaillées pour “faire mal” de manière plus constante en combat. Fini le boss qui rate lamentablement ses trois attaques et se fait humilier en deux rounds; les mécaniques ont été lissées pour que les grands adversaires offrent un défi à la hauteur de leur réputation.

On note également quelques changements de design plus subtils qui corrigent des incohérences du lore : par exemple, les gobelins ne sont plus classés comme humanoïdes mais comme fées (Fey), reflétant leurs origines feywild dans certains univers. Les gnolls deviennent des fiélons (Fiends) plutôt que de simples humanoïdes, pour coller à leur lien démoniaque avec Yeenoghu. Ces recatégorisations impactent certes certaines interactions de règles (un sort comme Charm Person ne fonctionnera plus sur un gobelin qualifié de Fée plutôt que d’Humanoïde, par exemple), mais elles apportent une cohérence thématique appréciable.
La contrepartie de cet accent mis sur l’utilitaire et le gameplay, c’est bien sûr la diminution globale du lore écrit. La plupart des descriptions de monstres ont été réduites à l’essentiel : une brève description physique et comportementale, suivie de ce qui intéresse directement le MJ pour la rencontre (capacités spéciales, trésors ou butins typiques, etc.). Exit donc les longues explications sur la société des monstres ou leur place dans le monde. En supprimant les entrées de groupe (fini les pages génériques sur « Les Démons » ou « Les Dragons » en préambule de chaque section), le livre a aussi fait disparaître les paragraphes de lore général qui figuraient au début de ces groupes dans la VO 2014. Par exemple, l’édition précédente offrait plusieurs pages sur la culture géante ou la hiérarchie infernale des diables – ces textes ont purement et simplement disparu en 2024. Toute l’information est recentrée sur chaque monstre individuellement, et souvent réduite à sa plus simple expression. Pour les MJs férus d’univers, cela peut laisser un goût d’inachevé. Wizards a partiellement déplacé ce lore dans le nouveau Dungeon Master’s Guide (qui contient un chapitre sur les plans, la cosmologie, etc.), mais on perd malgré tout une dimension encyclopédique qui faisait le charme des précédents Monster Manuals. À chacun de juger si cet aspect lui manquera ou non – après tout, nombreux sont les meneurs qui ignorent le fluff « officiel » pour créer le leur. Mais il est clair que ce cru 2024 est avant tout un outil pratique de création de rencontres, là où son aïeul 2014 faisait aussi office de guide de lore sur les créatures du multivers D&D.
Power level et équilibrage : un décalage persistant ?
Abordons maintenant un point crucial : l’équilibrage des monstres face à la montée en puissance des personnages joueurs version 2024. Les nouvelles itérations des classes de PJ dans One D&D ont, pour la plupart, gagné en efficacité et en versatilité (meilleure économie d’actions, nouvelles manœuvres, sorts révisés, etc.). On pouvait donc craindre que les monstres « classiques » de 2014 deviennent trop faibles face à des héros boostés. Wizards of the Coast en avait conscience et a ajusté certaines valeurs dans ce Monster Manual 2024, mais soyons clairs : l’inflation de puissance côté PJ n’est que partiellement compensée côté monstres.
Concrètement, les points de vie de la majorité des créatures n’ont pas explosé. D’après les analyses des statisticiens du jeu, pour les monstres de faible à moyen niveau (CR 12 et moins), le total de PV moyen reste très proche de celui des monstres de 2014 équivalents, sans hausse significative. Pour les monstres de haut niveau (CR 13+), on observe bien une augmentation, mais modérée – essentiellement sur les monstres légendaires, avec en moyenne +15% de points de vie par rapport à leurs homologues de l’ancienne édition. Autrement dit, un dragon ancien ou un beholder version 2024 encaisse à peine un peu plus de dégâts qu’avant, là où les personnages joueurs, eux, tapent plus fort et disposent de plus de ressources qu’il y a dix ans.

Du côté des dégâts et capacités offensives, on note quelques buffs discrets, sans révolution. Comme mentionné, les monstres légendaires ont été revus pour faire des dégâts de manière plus constante et éviter les affrontements anticlimatiques. Dans les faits, cela passe par des ajustements de mécaniques (par ex. telle action légendaire qui se recharge plus vite, ou tel souffle draconique un peu plus dévastateur). Quelques créatures ont gagné de nouvelles attaques ou des effets spéciaux inédits, mais on est loin d’une refonte complète de leur damage output. En somme, l’arsenal offensif moyen des monstres 2024 n’est pas énormément supérieur à celui de 2014 – certainement pas à la hauteur de l’augmentation de puissance des personnages joueurs.
Les premiers retours de la communauté confirment d’ailleurs ce léger décalage. Beaucoup de MJ rapportaient que leurs groupes utilisant les règles 2024 roulaient sur les anciens monstres bien trop facilement. La nouvelle édition rend certes certains monstres isolés (les fameux « solos ») un peu plus coriaces pour tenter de compenser. Mais dans l’ensemble, le challenge proposé reste un cran en dessous de la puissance des PJ fraîchement sortis du Player’s Handbook 2024. Un paladin ou un mage optimisé version 2024 viendra à bout d’un Ogre ou d’un Géant de pierre avec encore plus de facilité qu’auparavant. Cela ne veut pas dire que le jeu est complètement déséquilibré – les concepteurs ont aussi ajusté le système de calcul de la difficulté des rencontres, notamment en incitant à utiliser plus de monstres faibles à la fois. Mais le fait est là : le Monster Manual 2024 ne redonne pas totalement l’avantage aux monstres. Les MJs qui s’attendaient à une montée en puissance générale du bestiaire devront mettre la main à la pâte (ou attendre de futurs supplements officiels) pour redonner des sueurs froides à des joueurs très optimisés.
Des monstres plus costauds (options maison)
Que peut faire un Maître de Jeu qui trouve ses monstres un peu à la traîne face aux personnages nouvelle génération ? Heureusement, en bon MJ astucieux, vous avez plus d’un tour dans votre sac (à malices). Voici deux règles maison simples que vous pouvez appliquer pour rehausser le défi, sans déséquilibrer complètement le jeu :
+20% points de vie : La méthode la plus directe pour augmenter la durabilité de vos monstres est tout simplement d’accroître leur total de PV. Par exemple, une créature à 50 PV passe à 60 PV. Ce petit boost, proposé par de nombreux MJs dès l’annonce de One D&D, permet à vos monstres de tenir un round de plus en moyenne, ce qui peut suffire à rendre le combat plus tendu. Ajustez le pourcentage au besoin (10%, 20%, voire 50% pour un boss final particulièrement attendu).
Variante pour les groupes de monstre rajouter 20% de monstre et maintenir les PVs du Monster Manual One D&D 2024.Dés explosifs sur les dégâts : Si vous voulez éviter de toucher aux PV mais quand même augmenter le danger, vous pouvez introduire la règle des dégâts explosifs. Le principe est emprunté à d’autres jeux (comme Savage Worlds) : lorsqu’un monstre lance ses dés de dégâts et obtient le maximum sur un dé, ce dé « explose » – on le relance et on cumule le total. Par exemple, un orc qui inflige normalement 1d12+3 dégâts et obtient un 12 sur son d12 relance le d12 et ajoute le nouveau résultat (et s’il refait 12, il relance encore, théoriquement sans limite). Ce système augmente un peu les dégâts moyens, mais surtout introduit de la variance vers le haut : vos joueurs ne pourront plus se baser uniquement sur l’espérance de dégâts, car un monstre aura de temps à autre un pic de damage inattendu. Cela redonne du piquant et de l’incertitude aux affrontements, sans nécessiter de remanier tous les statblocks. Attention cependant : usez des dés explosifs avec parcimonie (peut-être uniquement pour les coups critiques des monstres, ou seulement pour les créatures de haut niveau), car ils peuvent rendre certains combats vraiment létaux s’ils s’enchaînent au mauvais moment. L’objectif est de surprendre et de challenge vos joueurs, pas de transformer chaque gobelin en machine à TPK (Total Party Kill) !
Avec ces ajustements maison, vous devriez rééquilibrer un peu les débats et redonner aux monstres une chance de faire trembler vos joueurs. N’oubliez pas que l’important est que tout le monde autour de la table s’amuse : adaptez ces conseils à votre groupe et à votre style de jeu.
Alors finalement, acheter ou non le nouveau Manuel ?

En définitive, le Monster Manual 2024 version One D&D remplit globalement sa mission et s’impose comme un ajout indispensable pour les tables qui adoptent la mise à jour de la 5e édition. Sur le plan positif, il apporte un lot massif de nouvelles créatures et de variantes qui enrichissent l’écosystème de D&D – plus de 500 monstres au total, dont une flopée inédite – tout en dépoussiérant la quasi-totalité des anciens statblocks avec des améliorations inspirées par dix ans de pratique de la communauté. La présentation visuelle est superbe, avec des illustrations marquantes (mention spéciale à l’alternatif Mind Flayer qui ornera fièrement la bibliothèque des collectionneurs) et une volonté de rendre le livre plus pratique à utiliser (index des monstres par ordre alphabétique, statblocks plus lisibles, conseils au MJ en introduction sur comment exploiter au mieux les capacités des monstres, etc.). Pour un nouveau venu comme pour un vétéran, c’est un régal de parcourir ce bestiaire revisité et d’y puiser l’inspiration pour de futurs scénarios.
Côté négatifs, on pourra reprocher à ce cru 2024 d’avoir sacrifié une partie du charme narratif de l’édition précédente en élaguant le lore et les anecdotes sur les monstres. Le Monster Manual se recentre sur l’outil de jeu au détriment du livre d’univers – un choix compréhensible, mais qui laissera les amoureux du fluff un peu sur leur faim. De plus, malgré les efforts d’amélioration, la mise en page et la qualité matérielle de l’ouvrage ne comblent pas entièrement l’écart avec d’autres gammes haut de gamme du marché (papier un peu fin, organisation interne perfectible comparée à la concurrence). Enfin, et c’est peut-être le point le plus débattu, l’équilibrage en jeu reste légèrement en faveur des personnages joueurs : on a vu que les monstres n’avaient pas reçu de hausse drastique de puissance, ce qui peut poser question face aux classes 2024 boostées. Ce n’est pas rédhibitoire – loin de là, le jeu reste tout à fait fonctionnel – mais les MJ pointilleux devront éventuellement ajuster les rencontres ou utiliser nos astuces ci-dessus pour maintenir un défi relevé.
Un dernier sujet demeure en toile de fond : celui de la licence et du contenu réutilisable, souvent évoqué sous l’appellation OGL 2024. Wizards of the Coast a annoncé qu’un nouveau System Reference Document (SRD 5.2) rassemblant l’essentiel des règles et du contenu des livres de base 2024 sera publié sous licence Creative Commons, conformément aux engagements pris après la controverse sur l’OGL début 2023. Cela signifie que la plupart des mécaniques (y compris les monstres et leurs statistiques) devraient être librement réutilisables par les créateurs tiers, à l’exception du matériau protégé par les marques déposées de Wizards (les Product Identity comme les Beholders, Mind Flayers/Illithids, illithids, certains noms propres d’illustrations, etc., qui ne seront pas inclus dans le SRD). Tant que ce SRD 5.2 n’est pas effectivement publié – ce qui est promis pour quelques semaines après la sortie du Monster Manual en février 2025, le temps que les trois livres de base soient disponibles – une part d’incertitude plane sur la portion de contenu du Monster Manual qui sera considérée comme open source. Pour les MJ et les joueurs lambda, cela ne change pas grand-chose : vous pouvez utiliser ce livre à votre table sans vous soucier de licence. Mais pour les auteurs et éditeurs de contenu tiers, la question de quelle part du bestiaire 2024 pourra être légalement réutilisée reste posée. Espérons que Wizards clarifie rapidement ces points pour dissiper les derniers nuages sur l’adoption de cette nouvelle édition.

En conclusion, le Monster Manual 2024 version One D&D réussit à moderniser un classique en apportant une vraie valeur ajoutée en termes de contenu et de gameplay, tout en restant fidèle à l’esprit de D&D. Certes, il n’est pas parfait – aucun grimoire, fut-il relié en écailles de dragon, ne l’est. Mais entre la richesse de son bestiaire, ses illustrations dignes d’une exposition d’art fantastique, et les retouches subtiles qui faciliteront la vie des MJ, il s’impose comme un ouvrage de référence pour quiconque souhaite faire le grand saut vers la 5e édition 2024. À vous les donjons peuplés de nouveaux dragons (et de bien d’autres monstres) car finalement, c’est toujours de cela dont il s’agit : vivre des aventures épiques où héros et créatures se livrent bataille pour écrire la légende, une rencontre à la fois. Bon jeu, et gare à la Tarrasque qui dort !
Un coup d’œil dans le rétroviseur : les évolutions des Monsters Manuals
Le Monster Manual est un pilier de Dungeons & Dragons depuis plus de 48 ans. Chaque édition du jeu a apporté son bestiaire emblématique, reflet de la philosophie ludique de son époque. Voici quelques repères historiques sur ces grimoires monstrueux, chiffres à l’appui :
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AD&D 1ère édition (1977) – Le tout premier Monster Manual, signé Gary Gygax, fut aussi le premier hardcover jamais publié pour un JdR. Un petit format par la taille (112 pages seulement), mais costaud par le contenu : plus de 350 monstres recensés, dont environ 200 illustrés en noir et blanc – une prouesse pour l’époque. On y trouve des créatures devenues cultes (le beholder, l’owlbear, le displacer beast…), au point que beaucoup de ces illustrations originelles sont restées la référence visuelle. Le succès fut au rendez-vous : ce livre s’est vendu à plus d’1,1 million d’exemplaires sur les premières années, établissant D&D comme le maître du genre.
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AD&D 2e édition (1989-1993) – Plutôt qu’un “Monster Manual” traditionnel, la 2e édition introduit d’abord le fameux Monstrous Compendium à feuillets détachables (pratique sur le papier, moins à l’usage…). En 1993, TSR compile tout cela dans le Monstrous Manual, un épais volume de 384 pages qui réunissait les monstres de base et de nombreux ajouts. Ce bestiaire étendu offrait des descriptions plus détaillées et plus de lore pour chaque créature, avec toujours une illustration par monstre. Les auteurs (menés par Doug Stewart en tant qu’éditeur) y ont intégré des monstres de tous les plans de campagne. C’est un classique encore chéri par les fans de la première heure.
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D&D 3e édition (2000) – Retour au nom Monster Manual pour la 3e édition D20. Ce cru 2000, écrit par le trio Skip Williams, Jonathan Tweet, Monte Cook, compte 224 pages et introduit les monstres en couleur. Plus de 200 créatures y figurent, illustrées en couleurs par Todd Lockwood, Sam Wood et consorts, un vrai régal visuel pour l’an 2000. Cet ouvrage a essentiellement transposé les monstres classiques aux nouvelles règles d20, tout en ajoutant quelques nouveautés. Il a remporté un Origins Award 2001 pour sa présentation graphique exemplaire. Côté ventes, D&D3 a été un véritable raz-de-marée : en 2001, le Monster Manual 3e s’est même vendu mieux que le Dungeon Master’s Guide, n’étant dépassé que par le Player’s Handbook dans les stats de ventes de WotC. La popularité de ce MM 3e a relancé l’intérêt pour les bestiaires, au point de susciter plusieurs suites (Monster Manual II, III, etc.).
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D&D version 3.5 (2003) – Trois ans plus tard sort une version révisée, le Monster Manual v3.5, mise à jour par Rich Baker et Skip Williams. Au programme : 320 pages de monstres, dont un paquet de profils ajustés aux règles 3.5 (séparation des jets d’attaque simple et attaque à outrance, etc.) et 31 nouvelles illustrations ajoutées par rapport à la version 3.0. Ce manuel 3.5 intégrait aussi des conseils pour utiliser les monstres comme PJ ou compagnons et des indications pour tirer parti de la gamme de figurines D&D Miniatures. Il a bénéficié d’une réimpression premium en 2012 tant il restait prisé des joueurs de l’ère 3.x.
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D&D 4e édition (2008) – La 4e édition a secoué la formule classique. Son Monster Manual (par Mike Mearls, James Wyatt, Stephen Schubert…) compte 288 pages bien denses. Il introduit les monstres catégorisés par rôle tactique (Soldat, Brute, Artillerie, Contrôleur, etc.) et le concept de condition Sanguinolent (Bloodied) indiquant le seuil de la moitié des PV. Chaque entrée propose souvent plusieurs versions d’un même monstre à différents niveaux – par ex. le gobelin coureur, le guerrier gobelin, le chef gobelin – un précurseur de ce que la version 2024 fera de nouveau. L’accent était mis sur le combat tactique équilibré : les stats des monstres 4e étaient conçues pour des affrontements très structurés (certains diront “un peu boardgame”). Visuellement, toutes les créatures sont illustrées en couleur, avec un style plus numérique. Ce Monster Manual a connu deux suites (MM2, MM3) et même un Monster Vault en 2010 qui révisait certains profils. Bien que la 4e édition ait divisé la fanbase, son bestiaire a été salué pour sa clarté en jeu et ses innovations mécaniques – dont certaines idées se retrouvent en 5e/One D&D aujourd’hui (ex: minions, indicateurs de sang…).
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D&D 5e édition (2014) – Retour à une approche plus classique et narrative avec le Monster Manual de la 5e (édité par Mike Mearls, Jeremy Crawford et al.). Un joli pavé de 352 pages illustrées qui mélange amour du lore et simplicité d’utilisation. On y retrouve ~300 monstres iconiques de D&D, décrits avec un paragraphe de lore évocateur et des stats épurées dans l’esprit “rulings not rules”. Le public a répondu présent : à sa sortie, le MM 2014 est entré #5 des ventes hardcover non-fiction aux USA avec ~17 000 exemplaires écoulés la première semaine. Sur le long terme, il s’est vendu à plus de 780 000 exemplaires (via circuits BookScan) de 2014 à mi-2023 – probablement autour du million en incluant boutiques spécialisées et ventes directes. C’est l’un des best-sellers du jeu de rôle. Ce succès s’explique par la popularité explosive de D&D 5e, bien sûr, mais aussi par la qualité du bouquin lui-même : illustrations splendides, monstres équilibrés pour un jeu plus héroïque, et juste ce qu’il faut de texte d’ambiance pour stimuler l’imaginaire sans noyer le DM sous les infos.
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