
Ah, compagnons de route, voyageurs émérites et vous, jeunes aventuriers aux yeux brillants d’illusions ! Asseyez-vous près du feu, servez-vous une chope (si la coutume locale l’autorise, bien sûr !) et écoutez les modestes observations de votre serviteur, Flelwuidh de Valmoria, barde errant et, par la force des choses, collectionneur involontaire de règles étranges et de gaffes évitées de justesse.
Vous pensez connaître le monde ? Vous avez lu les édits royaux gravés dans le marbre, entendu les prêches des grands prêtres tonner contre le vol et le meurtre ? Balivernes ! Ou plutôt, disons que ce n’est là que l’écume visible des lois qui régissent nos vies. La vraie loi, celle qui vous fera passer pour un ami ou un ennemi, celle qui décidera si vous partagez le pain ou si vous goûtez au gourdin de la milice locale, elle n’est pas écrite sur les parchemins officiels. Elle est chuchotée au coin du feu, elle est gravée dans les regards soupçonneux des anciens, elle se niche dans les silences gênés qui suivent une parole de travers.
Durant mes pérégrinations, mon luth sous le bras et ma curiosité comme boussole (souvent plus fiable que les cartes, croyez-moi !), j’ai compilé ce petit guide. Non pas une liste exhaustive – les dieux seuls savent combien de coutumes ridicules ce monde peut enfanter ! – mais un florilège, un avertissement amical pour l’étranger naïf. Car, mes amis, ignorer qu’il ne faut pas tuer vous mènera à la potence, certes. Mais ignorer qu’il ne faut pas complimenter la vache du voisin dans le Val-Brumeux pourrait bien vous coûter une nuit au pilori, couvert de bouses séchées. Et je vous assure que l’odeur est tenace.
Alors, aiguisez vos oreilles, plus que vos lames et plongez avec moi dans l’absurde et merveilleux dédale des us et coutumes locaux.
Codex des Coutumes Oubliées & Lois Bizarres (Ou : Comment garder sa tête sur ses épaules et son luth intact sans dégainer l’épée)

Chapitre Premier : Salutations et Premières Impressions – Le Champ de Mines Social
On dit que la première impression est cruciale. C’est doublement vrai quand chaque village semble avoir inventé sa propre façon de déterminer si vous êtes un rustre fini ou une personne de qualité.
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Port-Tempête et la Taxe du Sourire : Ah, la cité portuaire ! Pleine de marins bourrus et de gardes… susceptibles. Admettons que vous croisez un membre de la Garde ? Un hochement de tête poli ne suffit pas. Non, non. Si vous ne glissez pas une petite pièce de cuivre dans sa paume tendue (ou négligemment posée sur la garde de son épée), votre salut cordial sera interprété comme un défi direct à son autorité. J’ai vu un marchand de passage, un brave homme mais ignorant, passer une nuit au cachot pour « insolence caractérisée envers un officier de la paix », simplement pour avoir souri et dit « Bonne garde ! » sans joindre le geste pécuniaire à la parole. Ridicule ? Certes. Dangereux pour votre bourse et votre liberté ? Absolument. La rumeur dit que c’est une vieille « prime de bonne humeur » instaurée par un capitaine de la garde fauché, devenue tradition immuable.
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Les Murmures de Mainforte : Dans les villages isolés des Contreforts Murmurants, ne tendez jamais la main droite en premier pour saluer. C’est la main de l’arme, la main de la méfiance. Offrir la main gauche, paume ouverte et tournée vers le ciel, est le signe de paix et de confiance. Tendre la droite ? Vous pourriez bien vous retrouver face à une dague sortie de nulle part. J’ai appris cela à mes dépens, heureusement désamorcé par un éclat de rire du chef de village qui m’a expliqué mon impair avant que son neveu, un peu vif, ne me « corrige ».
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Le Silence d’Ambreval : Si d’aventure vos pas vous mènent dans ce paisible village, niché au cœur de la Forêt Scintillante, sachez ceci : ne parlez jamais avant qu’on ne vous adresse la parole. Surtout si vous êtes un étranger. Les habitants d’Ambreval croient que les mots non sollicités peuvent effrayer les esprits bienveillants de la forêt. Entrez, asseyez-vous à l’auberge et attendez. Le silence peut être long, pesant. Mais le rompre sans y être convié vous marquera comme un perturbateur, un semeur de discorde spirituelle. Et croyez-moi, l’hospitalité d’Ambreval peut devenir glaciale plus vite qu’un hiver dans les Pics du Nord.
Chapitre Deux : Les Caprices du Calendrier et les Couleurs Taboues

Les fêtes et les saisons apportent leur lot de joies, de festins, mais aussi de règles étranges, souvent liées à des superstitions tenaces ou des événements historiques oubliés de tous sauf des locaux.
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Le Sifflet Maudit d’Oakhaven : C’est une règle simple, mais gravée dans le cœur de chaque habitant d’Oakhaven : Ne sifflez jamais après le coucher du soleil… Non vraiment, Jamais! Selon la légende locale, le sifflement imite le cri des banshees chasseuses qui rôdent dans les bois environnants une fois la nuit tombée. Siffler, c’est les appeler, les inviter. Au mieux, vous récolterez des regards noirs et des portes closes. Au pire, si quelque malheur survient cette nuit-là (une maladie soudaine, une bête égarée), vous serez tenu pour responsable. J’ai personnellement vu un voyageur insouciant se faire chasser du village à coups de fourche pour avoir fredonné un air joyeux en rentrant à l’auberge après la brune. L’aubergiste lui-même, pourtant avide de clients, l’a mis dehors sans ménagement.
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Brumesac et la Haine du Vert : Le Festival de la Moisson à Brumesac est une fête joyeuse, pleine de musique, de danse et de spécialités locales (goûtez la tourte aux navets caramélisés, une merveille !). Mais malheur à vous si vous osez arborer la moindre touche de vert ce jour-là. Pas une feuille sur votre chapeau, pas un ruban à votre manche, pas même une gemme verdâtre à votre bague. Le vert est la couleur du « Flétrisseur », un esprit maléfique de la famine qui, selon la légende, aurait tenté de saboter la toute première moisson de Brumesac. Porter du vert, c’est l’honorer, le provoquer. Vous serez immédiatement conspué, expulsé des festivités, et certains disent même que cela porte malheur à toute la récolte de l’année. J’ai dû prêter ma vieille cape brune à une noble dame de passage qui avait eu la mauvaise idée de porter une magnifique robe d’émeraude. Elle m’a bien récompensé, mais elle était mortifiée et terrifiée par la réaction de la foule.
Chapitre Trois : L'Art Délicat d'Offrir (et de ne pas Offenser)

Ah, les cadeaux ! Un geste universel d’amitié, n’est-ce pas ? Pas si vite ! Ce qui est un trésor pour l’un est une insulte mortelle pour l’autre.
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Les Nains du Clan Piquepierre et la Rouille Sacrilège : Si jamais vous avez l’honneur (et le défi) de traiter avec les fiers et bourrus nains du Clan Piquepierre, nichés sous le Mont Tonnerre, souvenez-vous de ceci : N’offrez JAMAIS un outil ou une arme qui présente la moindre trace de rouille. Pour un Piquepierre, dont la vie et l’honneur sont liés à la forge et à la perfection du métal, la rouille est le symbole de la négligence, de la décrépitude, de l’indignité. Offrir un objet rouillé, même une antiquité de grande valeur historique, est perçu comme une insulte directe, non seulement à celui qui le reçoit, mais à tout son clan, à ses ancêtres et à la montagne elle-même. J’ai entendu l’histoire d’un émissaire humain qui, pensant bien faire, offrit une vieille hache de bataille naine trouvée dans une ruine. La hache était magnifique, mais une petite tache de rouille près de la garde a suffi. L’émissaire a été banni à vie des territoires Piquepierre, et les négociations ont été rompues pendant une décennie. Offrez plutôt une chope solide, un fromage affiné, ou mieux encore, un minerai rare et pur.
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Le Don du Vent chez les Elfes des Brises : À l’inverse, chez certains clans elfiques sylvains, comme les Elfes des Brises de la Forêt Suspendue, les cadeaux matériels trop ostentatoires sont mal vus. Ils valorisent l’éphémère, le naturel, le geste plutôt que l’objet. Offrir un poème composé pour l’occasion, une chanson, une danse, une fleur rare cueillie avec respect (et dont vous connaissez le nom et les propriétés !), ou même simplement un moment de silence partagé en contemplation de la nature sera bien mieux reçu qu’un bijou étincelant ou une arme ouvragée. Ces derniers peuvent même être perçus comme une tentative grossière d’acheter leur faveur, ou pire, comme un manque de compréhension de leurs valeurs profondes.
Chapitre Quatrième : Guildes, Confréries et leurs Petits Secrets

En Guise de Conclusion : L'Oreille Attentive est la Meilleure Armure
Ne croyez pas que ces bizarreries ne touchent que les villages reculés ! Les guildes et autres organisations professionnelles, même dans les grandes cités, ont leurs propres codes et tabous, souvent conçus pour tester les nouveaux venus ou maintenir une cohésion interne.
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La Guilde des Bateliers de Rivière-Argent et le Noeud Oublié : Pour être accepté, ne serait-ce que pour une traversée, par les membres de cette guilde très fermée, il faut connaître le « Noeud de Respect ». Il ne s’agit pas d’un nœud marin complexe, mais d’une façon particulière de nouer ses lacets de chaussures (ou les cordons de sa bourse) : un double nœud simple, avec la boucle de droite passée sous la boucle de gauche avant de serrer. C’est discret, presque invisible. Mais les bateliers ont l’œil. Ils ne vous diront rien si vous ne le faites pas, mais vous paierez plus cher, on vous attribuera la pire place sur le bac, et n’espérez aucune aide s’il y a un souci. C’est leur façon silencieuse de distinguer « ceux qui savent » (et donc, qui respectent leur tradition) des autres.
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La Confrérie des Apothicaires de Grisegarde et la Potion Bleue : Si vous entrez dans une échoppe appartenant à un membre de cette confrérie (facilement reconnaissable grâce au mortier d’argent épinglé à leur robe), évitez de demander directement une « potion de guérison ». Préférez plutôt réclamer la Tisane du Réconfort ou l’Élixir de Vigueur. Pourquoi une telle précaution ? Selon la légende, le fondateur de la guilde aurait été ruiné par un charlatan qui vendait une prétendue potion de guérison « révolutionnaire », bleue et pétillante, elle n’était en réalité que de l’eau sucrée colorée. Depuis cet épisode, mentionner directement une potion de guérison – ou, pire encore, faire allusion à la couleur bleue ! – est perçu comme une insulte à peine dissimulée. Vous risqueriez de vous faire reconduire à la sortie, poliment mais sans appel.

Voyez-vous, mes amis, le monde est une tapisserie complexe, tissée de fils de lois grandioses et de coutumes minuscules. Ignorer ces dernières, c’est risquer de tirer un fil qui défera tout l’ouvrage de votre voyage.
Mon conseil, fruit de nombreuses situations embarrassantes (et de quelques chopes renversées sur ma tunique) : Observez et écoutez.
Avant de parler, de saluer, d’offrir ou de commander à boire, prenez un moment. Regardez comment les locaux interagissent. Écoutez les bribes de conversation. N’ayez pas peur de demander poliment à l’aubergiste ou à un marchand (en choisissant bien votre moment et votre interlocuteur !) s’il y a des usages particuliers à respecter. Mieux vaut passer pour un ignorant curieux que pour un barbare arrogant.
Ce « Codex » n’est qu’un début, une mise en garde. Chaque vallée, chaque ville, chaque île a ses propres trésors cachés de bizarreries sociales. Collectionnez-les comme je collectionne les chansons : avec curiosité, respect et une bonne dose d’humour. Car souvent, derrière la règle la plus absurde se cache une histoire fascinante, une peur ancestrale ou simplement une vieille blague devenue loi.
Alors, voyagez prudemment, gardez l’esprit ouvert, faites que votre luth (ou votre épée, si vraiment nécessaire) ne vous attire que les bonnes grâces !
Naturellement mon cher lecteur, si vous découvrez une coutume particulièrement savoureuse, n’hésitez pas à la partager avec votre vieux Flelwuidh lors de notre prochaine rencontre au coin du feu.
La connaissance, comme une bonne bouteille, est meilleure lorsqu’elle est partagée.
Bonne route ! Votre serviteur Felwuidh de Valmoria…
© 2025 – aide de jeu crée et illustré par Fletch, votre Spécialiste en curiosité numérique.
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