Les éditions Posidonia créent des histoires à jouer au format livre et une profusion de projets jdr ( Chosen Ones, Gobelin qui s’en dédit, Les apprentis Sorciers…). Le collectif comprend des auteurs, illustrateurs, gamedesigner, testeurs. Ils sont cannois et ce bouillonnement de créativité nous a naturellement poussés à leur poser des questions (oui on est très curieux, probablement un ancêtre gnome…).
Bonus : le Kit d’initiation à télécharger en fin d’interview.
Interview: les créateurs et auteurs dans les coulisses de Matnak
Chez Posidonia éditions vous êtes une association loi 1901, qu’est-ce qui vous différencie des entreprises d’édition classiques?
Tout d’abord une maison d’édition associative n’a pas de but lucratif. Nos jeux sont faits par des passionnés pour des passionnés. Le but est d’offrir une véritable offre de créations françaises, et ce à prix attractif pour le plus grand nombre. Notre but n’est pas de surcharger les offres par des goodies et autres objets collectors, mais bien de proposer des livres accessibles à tous, accompagnés de l’essentiel (écran, livrets de joueurs, cartes). cartes).
Pour nos lecteurs qui ne connaitraient pas encore les Terres de Matnak, pourriez-vous résumer l’univers en quelques lignes ?
Olivier : Après un déluge qui a submergé la puissante cité d’Oréane, les survivants se sont regroupés sur les plateaux de Malaquie et ont bâti Matnak. À l’extérieur, après que les eaux du déluge ont reflué, le reste du monde subit la contamination d’un mal mutagène appelé Obwod. Ce virus inconnu transforme peu à peu les hommes en animaux, ces derniers ayant quasiment tous disparus suite au déluge. Certains de ces êtres sombrent dans la bestialité.
Au sein de la cité des Matnak, les humains restent indemnes grâce à la source d’ eau pure de la ville. Il arrive qu’un humain soit infecté par l’Obwod. Il est alors relégué dans le quartier du Colcothar ou exilé. C’est précisément ce qui arrive aux Joueurs. Mais comme ils font partie d’une haute caste de la ville, une alternative s’offre à eux. Après une épreuve initiatique, ils deviennent des Éclaireurs, émissaires au service de Tyzalek, le Grand Alchimiste. Négocier un contrat avec des communautés de l’extérieur, espionner, empêcher ou favoriser un enlèvement ou un assassinat, pacifier une région, autant de missions possibles pour les Éclaireurs.
Les terres de Matnaks ont un goût de jdr Old school, vous êtes nostalgique d’une période du JDR ?
Mathieu : Nostalgique non, le temps passe et nous n’y pouvons rien. Idéaliser le passé ne fait que restreindre notre présent. Par contre j’aime certains éléments du passé, que je trouve toujours aussi forts et pertinents qu’avant. L’idée de conjuguer l’ancien et le neuf m’a paru essentielle. J’ai été formé chez les compagnons du tour de France (menuiserie) et j’ai appris l’histoire de l’art aux Beaux Arts de Toulon ; la transmission, la continuité du savoir est très importante à mes yeux. Piocher de-ci de-là pour un résultat qui me convenait, voilà ce qu’était ma démarche. Je suis fan de rock progressif par exemple, et cette musique m’a beaucoup inspiré pour Les Terres de Matnak. Ce n’est pas pour ça que je veux revoir des rockeurs aux cheveux longs. Je trouve leur musique intemporelle, voilà tout.
Dans le cadre du jeu de rôle, c’est pareil. Il y a des aspects oldschool qui me paraissent encore pertinents aujourd’hui, notamment le fun autour de la table, et bien sûr les illustrations réalisées à la main, qui invitent à un autre imaginaire, plus charnel, organique, « intérieur ».
Je sais que certains ne vont pas apprécier, mais d’autres aimeront l’esthétique old school. C’est un parti pris.
Olivier : Nostalgique, d’une certaine manière, oui. Et Matnak en porte clairement la marque. Mais ça n’empêche en rien d’apprécier les jeux d’aujourd’hui. Nous sommes très clairement marqués par les années 80 et 90. Les illustrations des livres dont vous êtes le héros, Donjons et Dragons, etc… toute la gamme du Monde des ténèbres. Les classiques, en fin de compte. A en juger par le succès de la V20 de Vampire et DD5, nous sommes loin d’être les seuls à éprouver un peu de nostalgie. Remise au goût du jour.
Guillaume : Pour ma part, je pense que les Terres de Matnak sont quelque part entre le goût Old school et une certaine modernité. On a du fun, de la simplicité, une participation active du Joueur dans la narration. Le système est pensé dans ce sens avec une base très épurée mais qui permet une grande liberté.
Graphiquement Les terres de Matnak se démarquent de la fantasy proprette, comment se passe la relation entre les auteurs des textes et les illustrateurs ?
Mathieu : Oui, nous sommes loin du merveilleux du Seigneur des Anneaux. Ici pas d’elfes, d’orcs, de méchants ou de gentils. Tous sont des hommes ou des anciens hommes, changés en semi-bêtes, qui luttent pour leur survie. Ce genre d’univers se devait d’être poussiéreux, fragile, sale, mais aussi traversé par la grâce et l’espoir.
Pour bâtir l’univers, j’ai d’abord beaucoup dessiné. Ce sont les illustrations qui m’ont permis de créer les textes s’y rapportant. Un pnj apparaissait au bout de mon crayon, et je lui créais dans la foulée ses motivations, sa place dans le monde.
Cette procédure a été longue (3 ans) car il était hors de question à ce moment-là de « forcer » mon inspiration. J’ai donc avancé posément, pierre par pierre, quasi inconsciemment. Le plus dur a été de rendre cohérent l’ensemble. Mais au final, ce travail de filtrage a fonctionné . La base était posée, le reste en a découlé.
Concernant l’aspect de l’univers il vient du choc que j’ai reçu lors de la sortie de Mad Max fury road, un an à peine après le début de la création. J’étais parti sur une fantasy post-apocalyptique, mais très classique, medfan. Et là je me suis dit banco, faut salir tout ça. Le merveilleux s’est terni depuis quelques temps. Nos imaginaires sont remplis de guerres et de drames, l’écologie devient un problème majeur, les hommes sont devenus fous. Je voulais cet aspect dur, ce monde en décrépitude. Je dis souvent que Matnak est à l’image de l’Europe, enfermée dans un idéal perdu. Mais malgré cela, l’espoir perdure. Les Terres de Matnak sont dominées par le chaos, mais des forces agissent en faveur de l’ordre, de l’espoir et de la paix.
Olivier : Mathieu est le créateur du monde de Matnak et son illustrateur . Nous sommes allés spontanément vers lui justement grâce à ce côté à la fois old school et débridé. L’ambiance fantasy à la Mad Max nous a séduits, Guillaume et moi. En ce qui concerne le travail, tout se répond : une illustration de Mathieu suggère un scénario, fait naître un personnage dont on veut écrire l’histoire. Ou au contraire, une idée de personnage nous tenaille, on commence à écrire, Mathieu l’illustre, et ça nous stimule ! Le personnage prend sa place dans une des régions de Matnak, puis dans une intrigue, il suit ses objectifs, etc.
Guillaume : Comme l’a dit Olivier, nous sommes avant tout des fans de Mathieu. Pour ma part j’ai de suite accroché à son style, tantôt onirique, tantôt rugueux et violent, à l’image des Terres de Matnak. Pour moi, ses illustrations sont indissociables du jeu. Elles sont vraiment l’incarnation de ce que l’on souhaite faire passer dans celui-ci.
La zoomorphose ,fusion du genre humain et d’une autre espèce, apporte quel enjeu de game design ?
Guillaume : Des enjeux multiples en fait ! Il fallait à la fois pouvoir émuler n’importe quelle capacité animale, être dynamique, rendre compte de la précarité des Éclaireurs qui peuvent succomber définitivement à l’Obwod… un challenge ! Mais nous avons, je pense, réussi notre objectif, avec un mécanisme capable de créer à la volée n’importe quelle capacité. Il fallait aussi prendre en compte ces capacités hors normes dans les scénarios, car l’inventivité des Joueurs est grande, et permet des approches vraiment libres et originales des situations que l’on peut proposer.
Les lignes d’interprétations sur ce qu’est un jdr changent d’une personne à l’autre… Pour vous les Terres de Matnak c’est quel type de jeu de rôle ?
Olivier : Ludique, décomplexé et orienté action. On vit un bon épisode de sa série préférée, mais en étant acteur et en participant à écrire l’histoire.
Mathieu : Loin des clivages, nous avons voulu rassembler plusieurs aspects du jeu de rôle. L’interprétation de son personnage reste centrale, mais le système permet aux joueurs une approche collaborative avec le Meneur. Ils participent activement aux rebondissements, et peuvent accomplir tout ce qu’ils imaginent, et mettre en scène leurs personnages.
Comme le dit Olivier, on a voulu un jeu décomplexé, fun, et nous nous sommes servis de tous les outils jdr actuels à notre disposition. Tous genres et types de jeu confondus.
Guillaume : J’aime bien la comparaison d’Olivier sur les séries. Matnak est pour moi un jeu de rôle dynamique, avec des Personnages forts, des personnalités, des factions bien marquées, mais aussi un potentiel narratif pouvant se décliner sur plusieurs saisons !
Dans l’équipe de Posidonia, vous êtes plutôt des moutons à 5 pattes ou des spécialistes d’un domaine en particulier ?
Olivier : Moutons à 5 pattes , comme celui du blason de ma ville natale. Le charme de l’impair, que voulez-vous ?
Mathieu : nous ne pouvons pas nous exprimer à la place des autres auteurs concernant les autres jdr de Posidonia éditions, mais pour notre équipe nous collaborons ensemble activement à tous les niveaux de la création et du développement. Tout notre travail s’organise autour de réunions hebdomadaires et d’une gestion de doc sous Google drive pour faciliter les échanges et les modifs. Pour la répartition des tâches nous avons désigné en amont des secteurs privilégiés (Guillaume Meistermann au système, Olivier Dalmasso au développement, Jean Pierre Hufen aux scénarios, et moi même au développement, aux illustrations et à la maquette). Bien entendu nous élaborons ensemble la ligne à suivre et chacun à notre manière apportons notre contribution.
Du coup oui, un mouton à cinq pattes, mais un mouton spécialiste.
Qu’est-ce qui à changé entre vos premières campagnes de financement participatif et celle-ci ?
Mathieu : C’est notre toute première en tant qu’auteurs. Et nous découvrons au fur et à mesure l’étendue du travail nécessaire. Nous avançons en confiance, mais également avec prudence. Nous avons d’ailleurs écouté les premiers retours et modifié l’esthétique de la campagne.
Guillaume : Il est important de rappeler que nous ne sommes pas des pros. Nous avons chacun un métier, une vie de famille, et le développement du jeu a été une véritable gageure ! Nous sommes heureux d’être parvenus jusqu’ici et d’avoir la confiance de Posidonia. Maintenant, nous découvrons le temps du financement, qui demande de véritables compétences : communication, gestion… c’est un nouveau défi, que nous relevons avec grand plaisir !
Olivier : C’est un défi, comme le dit Guillaume. Je souscris à tous ses propos sur le sujet.
Les parties sur Roll 20 avec les backers sont une excellente idée, on aura droit à quelques vidéos éditées ?
Guillaume : Pourquoi pas ! Nous ne sommes pas du tout des spécialistes de l’Actual play, mais c’est une piste que nous envisageons. Il s’agit en tout cas d’un format très en vogue, il y a une forte demande et du choix de qualité. Nous avons déjà testé le jeu par ce canal, mis en place quelques macros pour les différents jets de dés, et les illustrations de Mathieu sont du plus bel effet en ligne !
Quelques nouvelles à nous donner sur les autres jeux Posidonia Editions qui sortent dans les mois à venir et un mot de la fin ?
Posidonia vous prépare plein de choses dans ses laboratoires souterrains ! Les toutes prochaines sorties seront Chosen Ones, Gobelin qui s’en dédit et Les apprentis sorciers, prévus vers février 2020. Pour l’année suivante, plusieurs projets sont déjà en développement, comme Ynn Pryddein – La Terre des Forts, Les Chroniques du Lac d’Or, Oxyde Rampant, Emysfer ou 2103.
On remercie chaudement toute l’équipe de Posidonia pour avoir pris le temps de répondre à nos questions.
On a rarement vu une maison d’édition autant à l’écoute de ses futurs joueurs. Ils sont super motivés et ils se donnent à fond ! On ne peut que vous encourager à embarquer dans l’aventure des Terres de Matnak !
Vous pouvez en apprendre plus sur la page du financement participatif (ouvert jusqu’au 7 janvier 2020).
https://www.gameontabletop.com/cf234/les-terres-de-matnak.html
Et comme les auteurs ont fait pas mal de nuits blanches, juste en dessous vous pouvez télécharger en exclus le kit d’initiation (en cliquant sur l’image du kit).
Ce premier ouvrage comporte 60 pages avec : un résumé de l’univers, la base des règles, 5 personnages prétirés et un scénario !
PS: retrouvez toutes nos interviews JDR dans la nouvelle rubrique dédiée.