On replongera bientôt dans l’ambiance noire du jeu de rôles Hellywood à l’occasion de la sortie de la campagne « La justice des anges ».
La maison d’édition John Doe c’est prêtée au jeu des questions/réponses pour nous éclairer sur sa vision de la création et la publication de jdr en France…
L’interview jdr: la maison d’édition John Doe
Comment est né le projet de jdr Hellywood ?
C’est un projet que je mûrissais de longue date. Etant particulièrement amateur de romans et films noir, de polars, j’ai longtemps joué avec l’idée de créer un jeu de rôle autour de cela. Je cherchais l’angle d’attaque sans le trouver. Cela s’est mis en place au fil du temps, des discussions et des tests.
Lorsque nous avons créé John Doe, le jeu existait déjà sous une forme non aboutie. Il avait mûri au sein du collectif d’auteurs Ballon-Taxi. Nous l’avons donc ajouté à la liste des projets que nous voulions concrétiser sous la bannière John Doe. Raphaël Andere est venu me prêter main forte pour étendre les idées originelles et aboutir aux textes finaux, qui ont donc été co-écrits à deux. Pour le système de jeu, nous avions quelques idées fortes (les flashbacks par exemple…) mais l’ossature des règles a été créée par John Grümph et Pierrick May.
Comment choisissez-vous quel jdr éditer et quel jdr ne pas éditer ?
Avant d’être éditeurs, nous sommes auteurs et nous avons créé John Doe pour concrétiser nos propres projets. Créer la maison d’édition nous permettait de faire des choix indépendants et d’être entièrement autonome. Sur les projets externes, nous fonctionnons au coup de coeur. Une seule règle : que le projet nous excite tous. Tous les bouquins que nous avons publié sont des jeux auxquels nous voulions avant tout jouer. Nous étudions tout ce qui nous est proposé et nous nous réunissons en comité de lecture pour décider si le jeu fait l’unanimité.
Comment voyez-vous du point de vue de l’édition l’arrivée du crowdfunding ?
Chaque éditeur décide de la façon dont il utilise le crowdfunding : plutôt pour proposer des versions de collection très luxueuses ou comme un tremplin pour des jeux de niche, les deux ne s’excluant d’ailleurs pas. Pour nous, c’est avant tout l’opportunité pour des projets risqués d’exister qui nous intéresse dans ce mode de financement. On propose un univers ou une formule inédite ou audacieuse au lectorat et c’est lui qui choisit si cela se concrétise. Nous avons choisi une précommande participative pour la campagne d’Hellywood car c’est un gros morceau, difficile à financer classiquement. Nous voulions savoir si les lecteurs voulaient nous suivre et on leur propose donc de nous aider à lui donner vie.
Quelle que soit la façon de l’utiliser, cette méthode de financement est là pour rester. Le public s’y habitue et chacun peut choisir s’il accepte ou non cette prise de risque et le fait de payer en amont un projet plutôt que sur pièce, en boutique. C’est une nouvelle façon de consommer qui s’ajoute aux autres mais qui ne les remplace pas forcément.
Quelle est votre définition du rôle de l’éditeur dans la sortie d’un nouveau jeu de rôle ?
Aujourd’hui, les outils sont tellement démocratisés et les modes de production tellement variés et abordables (comme l’impression à la demande) que quelqu’un de très doué peut totalement assumer seul l’édition d’un jeu. Il y a d’ailleurs de nombreux exemples impressionants. Le souci, c’est que tout le monde ne sait pas à la fois écrire, dessiner, mettre en page, corriger, communiquer. Ou ne bénéfice pas forcément du réseau pour suppléer à ses manques. Le rôle de l’éditeur, pour nous, est d’être le confluent de tous les talents. D’être capable de réunir les bonnes personnes autour d’un projet, de lui insuffler de la dynamique, de savoir le dimensionner, de savoir le produire, le vendre… Seul, on peut faire des erreurs, comme par exemple sur l’ergonomie du jeu : quelles infos je mets, à quel endroit ? L’éditeur apporte cette expérience, ainsi bien sûr que tous les aspect légaux et administratifs.
De quelle manière utilisez-vous les réseaux sociaux et que vous apportent-ils ?
Traditionnellement, nous ne sommes pas de grands communicants chez John Doe, nous ne sommes pas très doués. Les réseaux sociaux nous permettent de communiquer très simplement et d’avoir des retours immédiats. C’est même assez bluffant. Il y a peu, j’ai demandé sur notre page Facebook si des lecteurs pouvaient m’orienter vers des scientifiques calés en astronomie, pour des conseils sur un projet. J’ai eu deux contacts avec deux professionnels dans les minutes qui ont suivi !
On peut retrouver les éditions John Doe et ses auteurs dans de prochaines conventions ?
Nous aimerions beaucoup faire plus de conventions mais nous ne sommes malheureusement pas très mobiles. J’ai moi-même de gros soucis de colonne vertébrale qui m’empêche de me déplacer à ma guise. Du coup, c’est un peu difficile de se retrouver sur des manifestations depuis quelques temps et nous le regrettons. Ce contact direct nous manque.
Pensez-vous que le JDR subit actuellement une mutation avec la population qui découvre le jeu de rôle par Youtube ou le Streaming ?
Je ne sais pas si le JDR mute. Ce qui est sûr, c’est que cela touche de nouveaux publics et c’est formidable. On entendait toujours dire qu’expliquer une partie de jeu de rôle était trop complexe, qu’être spectateur était ennuyeux, qu’une vidéo de gens qui jouent serait peu parlante aux yeux d’un novice. Ces programmes prouvent le contraire. Après, il ne reste plus qu’à convaincre les gens qui ont envie d’essayer de la diversité du loisir et de sa facilité d’accès. Peut-être que le plus compliqué reste encore et toujours de trouver des partenaires de jeu ?
Quels sont les prochains projets ou envies pour l’avenir ?
Nous avons plein de choses en stock ! Nous sommes sous l’eau avec la finition d’Hellywood mais nous faisons tout pour rattraper le retard que nous avons accumulé (principalement par ma faute, lorsque je n’étais pas disponible pour raisons de santé). L’écran d’Icons est en finition, par exemple. Le travail continue sur Stars Without Numbers, Meute et la v2 d’Exil. Benoit Attinost vient d’annoncer qu’il travaillait à une nouvelle version de son univers Plagues, motorisée en D&D5.
L’industrie du jeu de rôles était axée sur le papier jusqu’à il y a peu, désormais les pdfs, les supports de tables virtuelles, les parties peuvent être partagées en streaming, comment considérez-vous cette évolution ?
Bonne, le JDR doit évoluer avec son temps. Ca ne veut aucunement dire que se réunir autour d’une table avec des copains et des biscuits est obsolète. Cela donne juste plus de possibilités. J’étais très rétif face au jeu sur table virtuelle, mais devant la difficulté de se réunir physiquement, j’ai essayé et c’était une super expérience. Il y a une petite perte de convivialité, évidemment, mais cela permet vraiment de retrouver des joueurs éloignés. Le PDF est également un très bon outil, il complète l’ouvrage papier plus qu’il ne le remplace, même si certains ont totalement fait le saut du numérique. L’important c’est que chacun trouve l’outil adapté à sa pratique. Chez John Doe, nous sommes restés longtemps conservateurs sur le sujet du PDF. Nous avons évolué sur la question et nous allons procéder bientôt à des changements.
Quand au livre, on voit avec le succès des crowdfunding qu’il reste des amateurs de beaux ouvrages. Tout le monde y trouve son compte au final.
Le paysage du jdr en France a-t-il changé entre la sortie d’Hellywood et le moment où sortira la campagne « la justice des Anges » ?
C’est une question difficile. Le jeu est originellement sorti en 2008, donc toutes les nouveautés dont nous venons de parler se sont étendues, perfectionnés et démocratisés. L’offre de jeux est large, riche, abordant tous les styles. Je trouve qu’il est bon d’être rôliste aujourd’hui. La culture « geek » est tellement répandue que notre loisir n’est plus aussi ignoré ou incompris.
On poursuit l’interview par les questions au co-auteur d’hellywood Emmanuel Gharbi
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